Budapest Journal | Kata Bölöni | review | 15 May 2001 | French Tibor Szemző et le Gordian Knot Trafó, 5 mai, 20h30 Ses objectifs particuliers et sa renommée internationale font de Tibor Szemzô le représentant le plus caractéristique de la musique contemporaine hongroise. Depuis les années 80, ses CD sont édités en Angleterre et sa troupe donne des concerts partout dans le monde (Paris, Houston, Berlin, Tokyo, Varsovie, London, Vienne). C’est un compositeur inclassable, doté d’une personnalité autonome, évoluant dans un environnement musical particulier. Il vit dans un petit village dans l’agglomération de Budapest avec sa femme et cinq enfants. Son nom est une légende et pas uniquement en Hongrie. Au mois de mai, le compositeur présentera un nouveau CD avec la collaboration de Gordian Knot, son laboratoire musical. Une tournée canadienne et russe suivra cette présentation. Les performances multimédias de Szemző créent un genre unique, á la frontiére de la musique, de la cinématographie et de la littérature. Dans le cas de l’Histoire invisible, les images projetées accompagnent le concert vivant et la composition musicale donne une dimension toute particuliére aux films amateurs. Tout cela encadre des fragments de texte récités de Béla Hamvas, écrivain hongrois énigmatique, qui a créé ses oeuvres troublantes sans aucune possibilité de publication pendant les deux premiéres décennies du communisme. Szemzô a écrit la musique de nombreux films hongrois dont Meteo, grand film d’avant garde dans les années du changement et la série documentaire Privát Magyarország, tableau historique éblouissant qui présente l’histoire du siécle á travers des enregistrements amateurs. L’environnement musical de Szemzô s’inscrit dans un registre “ambient°° et expérimental. Il assemble des mélodies langoureuses et lancinantes qu’il compose avec soin. Ses oeuvres récentes présentent une réalisation minimaliste,“ une longue mélopée d’apparence monocorde, presque abstraite, si ce n’est qu’elle est empreinte d’une grande sérénité parcourue par une vague de fond sonore changeant, en phase avec la partie vocale. Des sifllements électroniques, des sons de cordes, des percussions alternent et réussissent á créer un climat “amniotique“. Des bribes de textes récités complétent cette bande sonore… La musique de Szemzô transcende son abstraction formelle par une forte profondeur émotive“- écrit le critique de la Revue & Corrigé á propos de Tractatus. Il a composé ses oeuvres sur des instruments classiques et électroniques, sur une radio de poche et desjeux d’enfant. Mais ce qui l’intéresse le plus c’est la voix humaine. Le compositeur, quelque peu assagi, n’a plus l’objectif de mettre la patience du public á l’épreuve par la dissonance des sons. Aujourd’hui, il recherche les tonalités sonores qui communiquent avec les images projetées, expriment l’ambiance, une expérience particuliére de l’existence á laquelle on s’identifie. Szemző reste fidéle á sa collaboration avec le vidéaste Péter Forgács qui entretient une collection importante de films amateurs, enregistrés tout au long du XXe siécle. Cette passion est devenue inséparable de la méthode de création du compositeur. “Mon ami fouillait parmi ses archives oubliées et lisait les oeuvres de Wittgenstein, pendant ce temps lá j’ai chanté une berceuse interminable pour mon fils. II semblait que ces activités différentes avaient un point commun. C’est ainsi que Tractatus a été créé“. “Nous essayons de comprendre et de redéfinir notre passé personnel á travers ses enregistrements amateurs dont l’incertitude et le caractére aléatoire me touchent profondément… Je trouve absolument stupéfiant le fait que quelqu’un prenne sa caméra, sorte sur le balcon chaque jour et tourne toute la construction de l’immeuble d’en face“- s’exclame Szemző á propos des images de l’Histoire invisible. “Ces enregistrements vacillants découvrent inconsciemment une vue en coupe plus profonde de l’époque que n’importe quel documentaire ou film professionnel“. Quant au texte récité, il déclare qu’il n’est pas un de ces adeptes de la philosophie de Hamvas, ce n’est pas la vérité et la signification des textes qui l’intéresse, mais plutôt sa musique, la sonorité des citations. “Hamvas, c’est de la poésie“- lui disait la veuve de l’écrivain. “On dit qu’i1 existe une étoile dans l’univers, une seule étoile morte, refroidie, sans lumiére, un corps immobile oú les atomes morts sont entassés en désordre complet comme sur un fracas colossal. C’est le Sirius Beta 1a matiére par excellence. Quand l’homme devient matérialiste, il commence á croire que l ‘univers est pure matiére, et commence á s’attacher á cette matiére, s y accroche. La matiére devient pour Iui gravité, environnement, désir, religion et 1’homme comprend vaguement qu’il est devenu quelque chose de jeté, vomi, cassé, tombé en poussiére. I1 a renoncé aux relations avec les forces spirituelles de la nature, I1 s’est éloigné du cosmos, il est un rudiment dont 1’évolution s’est arrěté A cause d’une catastrophe abominable“ Kata Bölöni